L'après-midi d'un faune

Performance - Concert

 

Un hommage à Debussy, de ses sonates à l'adaptation pour le théâtre traditionnel japonais du Prélude à l'après-midi d'un faune .

Retrouvez toutes les informations sur le site www.théâtreChampsElysees.fr

Dominique de Williencourt violoncelle
Marielle Nordmann harpe
Jean Ferrandis flûte
Gérard Poulet violon
Bruno Pasquier alto
Emile Naoumoff piano
Masato Matsuura Théâtre Nô, art traditionnel japonais

 

1917-2017 
100 ans de la création des trois sonates de Debussy 
100 ans des débuts de la danse contemporaine

C'est dans ce cadre de collaboration entre Debussy et Nijinsky, qu’est donné ce concert-performance au Théâtre des Champs Elysées le 22 mai 2017, pour lequel on m’a invité à créer une chorégraphie originale de Nô. 

Prélude à l’après-midi d’un faune est devenue cette célèbre représentation qui a provoqué un scandale à Paris, et qui est considérée comme un temps fort des origines de la danse contemporaine. 

Nijinsky avait renoncé, en quelque sorte, à toutes les techniques de la danse classique et il avait inventé une chorégraphie particulière, inspirée par les arts grecs anciens. Dans un élan de renaissance, sa chorégraphie reconstruisait les liens entre corps et nature. La danse classique est issue du monothéisme, l'art grec est celui de panthéisme qui propose une approche différente de la nature. Nijinsky qui venait d’Ukraine, nous offrait alors des mouvements plus terrestres, pourrait-on dire. 
La musique de Debussy emprunte aussi d’autres sources, issues d’un certain japonisme qui était assez présent, il y a une centaine d’années. Les artistes inspirés par certains arts japonais, pouvaient y déceler des choses essentielles disparues dans les arts occidentaux. 
Le japonisme semblait permettre, au même titre, une sorte de redécouverte. 
Ainsi, l’essence des arts grecs et la découverte des arts japonais, dans l'origine de la danse contemporaine, se conjuguent comme un phénomène de ''renaissance''. 

Cent ans plus tard, l'organisateur veut rendre hommage à Debussy et Nijinski par la danse du Nô. Et c’est un honneur ! 

La pertinence de ce choix transparaît à travers l’histoire du Nô qui est un art fondé au 14ème siècle, mais dont l'origine, l’art du Sangaku vient de l’occident du 7ème siècle, de même que les autres arts de cette période qui arrivent au Japon. La plus ancienne Pagode du temple Horyuji est officiellement issue des architectures grecques. Dans les masques et les costumes du Nô, on peut aussi lire les traces des arts grecs. 

Or, l'antique danse grecque a disparu, et l’une de ses évolutions a fait éclore la danse classique en occident. Au Japon, le Nô a été institué, précieusement conservé et transmis depuis le 14ème siècle. 

Lorsque je lis le texte de Paul Valéry, L'Ame et la Danse, à travers la ‘simple marche’ de la danseuse grecque, je perçois exactement la marche du Nô. 

Le Nô était fortement influencé par le Zen, et le bouddhisme. La science avec la physique quantique, l’incertitude, a apporté une résonnance au bouddhisme.
Le minimalisme aujourd’hui que de nombreux metteurs en scènes ou chorégraphes explorent, est aussi présent dans le Zen et est fondamental pour la danse de Nô. 
Le mouvement dans l’immobilité en devient la meilleure expression. Tout autant que son contraire, l’immobilité dans le mouvement, c’est le sens du mot Zen. 
Une nouvelle dimension émerge donc au coeur de cette recherche. 

Comment trouver une manière puissamment vivante ou originelle de rendre ces mouvements minimalistes ? Cela est mon travail et ma recherche. 

La particularité du Nô réside enfin dans l’utilisation des masques pour jouer des rôles plus ou moins surnaturels : des fantômes, des dieux, des démons. 
Souvent, les acteurs jouent des rôles de femme, comme dans la tragédie grecque avec l'aide des masques. Cette transformation provoque des effets exceptionnels. 
Les danseurs du Nô deviennent des sortes de médium, puisqu'ils incarnent plusieurs personnages dans une même pièce. 

Dans la pièce ''Izutsu'', un des chefs-d'oeuvre de Zéami, l’acteur incarne un rôle de femme (elle est déjà morte, il s’agit plus exactement de son esprit, son fantôme) ensuite, ce personnage va prendre plaisir à incarner son amant en portant ses anciens costumes. Ce personnage devient double, et à travers ce passage, les deux amants se juxtaposent. 
Dans cette pièce, on assiste en tant que spectateur à une sorte de catharsis du système du Nô. 

Dans le Prélude à l’après midi d'un faune, deux personnages sont là : le Faune et la Nymphe. Normalement, les rôles sont interprétés par des danseurs différents. 
Pour cette création, je vais incarner ces deux rôles. D'abord la Nymphe, ensuite le Faune. 
Dans la célèbre scène finale de Nijinsky, le Faune se masturbe avec le costume de la Nymphe. 
J'aimerais utiliser le système de jeu des costumes aussi, c'est -à-dire, j'incarnerai d'abord le Faune, et puis, il portera le costume de la Nymphe et dans sa danse, nous apercevrons les doubles, ou les opposés réunis. J’aimerais que le public assiste sur la scène à la transformation. 

Mallarmé a écrit ce poème en mêlant la parole du faune et la sienne, celle du poète, et pour la Nymphe celle de la Muse, de l'inspiration artistique. 

Ce serait, pour moi, rendre le plus bel hommage à tous les artistes qui ont créé cette pièce de jouer ce double ou ce mariage des persona. 

J’aimerais laisser apparaître à travers ma danse, empreinte du langage du Nô, dans une marche simple assez terrestre, dans des mouvements assez condensés et minimalistes, le mariage entre les deux. De même que le langage du Nô conserve les traces des anciennes danses, miraculeusement conservées en Extrême Orient, ce langage, proche de celui que recherchait Nijinsky, je crois, m’offre tout autant un jeu de libertés à renouveler.

Masato Matsuura